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Notre Espace Virtuel pour le Cours de Langue Française "FRANCÉS 4" – 2017 / 18
30 avril 2018

Ma lecture de Stupeur et tremblements (Sara Rato)

            Je fus soudain frappée par l'idée que j'assistais à un épisode de la vie sexuelle du vice-président, qui méritait décidément son titre : avec un physique de son ampleur, était-il encore capable de coucher avec une femme ? En compensation, son volume le rendait d'autant plus apte à gueuler, à faire trembler de ses cris la frêle silhouette de cette beauté. En vérité, il était en train de violer mademoiselle Mori, et s'il se livrait à ses plus bas instincts en présence de quarante personnes, c'était pour ajouter à sa jouissance la volupté de l'exhibitionnisme.

            Cette explication était tellement juste que je vis ployer le corps de ma supérieure. Elle était pourtant une dure, un monument de fierté : si son physique cédait, c'était la preuve qu'elle subissait un assaut d'ordre sexuel. Ses jambes l'abandonnèrent comme celles d'une amante éreintée : elle tomba assise sur sa chaise.

            Si j'avais dû être l'interprète simultanée du discours de monsieur Omochi , voici ce que j'aurais traduit :

            - Oui, je pèse cent cinquante kilos et roi cinquante, à nous deux nous pesons deux quintaux et ça m'excite. Ma graisse me gêne dans mes mouvements, j'aurais du mal à te faire jouir, mais grâce à ma masse je peux te renverser, t'écraser, et j'adore ça, surtout avec ces crétins qui nous regardent. J'adore que tu souffres dans ton orgueil, j'adore que tu n'aies pas le droit de te défendre, j'adore ce genre de viol !

            Je ne devais pas être la seule à avoir compris la nature de ce qui se passait : autour de moi, les collègues étaient en proie à un malaise profond. Autant que possible, ils détournaient les yeux et cachaient leur honte derrière leurs dossiers ou l'écran de leur ordinateur.

            A présent, Fubuki était pliée en deux. Ses maigres coudes étaient posés sur son bureau, ses poings serrés retenaient son front. La mitraillette verbale du vice-président secouait son dos fragile à intervalles réguliers.

            Par bonheur, je ne fus pas assez stupide pour me laisser aller à ce qui, en pareille circonstance, eût été de l'ordre du réflexe : intervenir. Nul doute que cela eût aggravé le sort de l'immolée, sans parler du mien. Cependant, il me serait impossible de prétendre être fière de ma sage abstention. L'honneur consiste le plus souvent à être idiot. Et ne vaut-il pas mieux se conduire comme une imbécile que se déshonorer ? Encore aujourd'hui, je rougis d'avoir préféré l'intelligence à la décence. Quelqu'un eût dû s'interposer, et puisqu'il n'y avait aucune chance pour qu'un autre s'y risquât, c'est moi qui eusse dû me sacrifier.

            Certes, ma supérieure ne me l'eût jamais pardonné, mais elle aurait eu tort : le pire n'était-il pas de nous conduire comme nous le faisions, d'assister sans broncher à ce spectacle dégradant , le pire ne résidait-il pas dans notre soumission absolue à l'autorité ?

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Commentaires
J
Très bien, Sara.<br /> <br /> Bon travail. Je le garde dans notre liste d'activités.<br /> <br /> Félicitations<br /> <br /> Juan<br /> <br /> :-))
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